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Le double jeu de la Française des Jeux

LE DOUBLE JEU DE LA FRANCAISE DES JEUX : UN JEU DANGEREUX
Jean-Pierre G. Martignoni-Hutin (sociologue)

La Française des jeux finance ses ennemis, les anti-jeu de la doxa du jeu pathologie maladie – notamment le centre du jeu excessif de Nantes dirigé par JL Vénisse – pour mieux les contrôler mais dans le même temps se lance dans une course effrénée à la croissance, jamais vue depuis sa création.

La politique éthique mise en œuvre par Christophe Blanchard Dignac (PDG de la Française des jeux) a pour conséquence en réalité – sous couvert d’une lutte contre le jeu excessif et le jeu de mineur – de produire plus de jeu. Habile stratège – mais certains pourraient considérer cela comme de la duplicité – le patron de la FDJ a profité du débat sur le jeu pathologique, de l’inquiétude des pouvoirs publics en matière de santé publique, de la loi sur les jeux en ligne, non pour mettre la pédale douce en matière de développement mais au contraire, pour accélérer sa croissance tout azimut par une incitation au jeu accrue. La politique de jeu responsable mis en œuvre par la Française des jeux va produire en final du jeu excessif…
Les meilleures preuves de cette démonstration se situent dans les résultats de l’opérateur de loteries. En pleine crise économique il surperforme (+5,5 % en 2010) en dépassant pour la première fois la barre symbolique des 10 milliards. Dans le même temps la société dirigée par Christophe Blanchard Dignac a l’audace – ils se croient tout permis et ils se permettent tout – de lancer en juin 2011 « une campagne nationale contre l’addiction au jeu » ! Au même moment Jean Luc Vénisse (financé à hauteur de 2 millions d’euros par la FDJ) associé aux addictologues M. Reynaud et A . Belkacem sortent un fascicule : « Du plaisir du jeu au jeu pathologique, IOO questions pour mieux gérer la maladie» Et Michel Reynaud d’affirmer dans France Soir du 6 juin 2011 que « de tous les opérateurs la Française des jeux est celui qui en fait le plus pour le contrôle et la prévention du jeu excessif. La boucle est bouclée. La collusion d’intérets marche à fond pour les deux parties en présence.
Dernières précisions qui montre le vrai visage de la Française des jeux : l’inflation et les chances de gagner. L’opérateur historique profite du lancement de nouvelles formules, de nouveaux jeux, pour augmenter fortement ses prix et diminuer tout aussi fortement l’espèrance statistique qui permet de décrocher la cagnotte.

Ils se croient tout permis et ils se permettent tout. Ainsi en 2008 le Loto passe de 1,2 euros à 2 euros ( soit une augmentation de 67 % !!) et l’espèrance statistique évolue d’une chance sur I4 millions à une chance sur I9 millions. Pour le nouvel Euro Millions sorti en mai 2011 la FDJ a fait encore plus fort. La probabilité de trouver les 7 bons numéros passe d’une chance sur 75 millions à une chance sur 116 millions ! La politique mise en œuvre par la Française des jeux n’a donc rien à voir avec une politique des jeux raisonnable, modérée et qui respecte sa clientèle. Elle apparaît au contraire comme une politique anti consumériste de rentabilité accrue, qui abuse de sa position dominante et son monopole. Elle agit de plus en plus comme un Etat ludique dans l’Etat Croupier peu soucieuse en réalité de l’intérêt général et des Français qui jouent. Le PDG de la Française des jeux fait jouer à une société qui ne lui appartient pas, un double jeu très dangereux qui risque à terme d’énerver Nicolas Sarkozy, à l’origine de la politique jeu responsable quand il était Ministre de l’Intérieur. Cette duplicité risque également d’irriter fortement Bruxelles et la Cour de justice Européenne.
Quant à la récente affaire d’Euro Millions qui voit une joueuse (Laure Meilheureux) déposer plainte contre la FDJ auprès de la Commission Européenne, elle dévoile aussi beaucoup du vrai visage de la Française des jeux. Si le journal le Parisien se fourvoie quand il précise que « les chances de gagner ne sont pas les mêmes selon les pays », on peut en effet s’interroger pour savoir pourquoi c’est en France que le nombre de combinaisons possible en jeux multiples pour Euromillions est le plus bas ( 378 pour 756 euros, alors qu’un joueur espagnol peut jouer 2520 combinaisons en une seule fois pour une mise de 5040 euros).

La FDJ souhaite t elle vraiment protéger les joueurs comme elle l’affirme : « nous souhaitons compliquer la vie du joueur excessif pour ne pas encourager les abus qui peuvent conduire à des addictions » ou instrumentalise t elle la question du jeu pathologie maladie en essayant d’éliminer les gros joueurs ou les regroupements de joueurs qui voudraient investir ou jouer gros jeu dans Euromillions ? On peut sérieusement s’interroger. Cette histoire rappelle l’affaire des jeux de grattage (découverte aussi par un joueur qui jouait gros jeu Robert Riblet) ou l’on voyait la FDJ inventer un concept inconnu en probabilité ( aléatoire prépondérant) pour contrôler la distribution des gros gains sur tout le territoire. Elle cherche désormais aussi à contrôler la manière de jouer des joueurs.
L’ensemble indique que l’opérateur historique plus que jamais se croit tout permis et se permet tout.
© JP G. Martignoni-Hutin, Lyon, France, 173. Juillet 2011